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L’arrêt Kherouaa – Conseil d’Etat, 2 novembre 1992, 130394

L'arrêt Kherouaa du Conseil d'Etat constitue un arrêt important en droit administratif, notamment au regard du principe de laïcité français.
arrêt kherouaa

Table des matières

L’arrêt Kherouaa est un arrêt important du droit administratif pour au moins deux raisons :

  • D’une part, il a permis au Conseil d’Etat de préciser son positionnement concernant le principe de laïcité ainsi que son articulation avec la liberté religieuse.
  • D’autre part, il s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel marquant le recul des mesures d’ordre intérieur.

La fiche de l’arrêt Kherouaa

Présentation de l’arrêt Kherouaa

Cet arrêt a été rendu par le Conseil d’Etat le 2 novembre 1992. Il procède à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 1991 concernant l’interdiction du port du “foulard islamique” dans un collège.

Les faits

M. Mostépha Z., Mme Fatima Y., M. Satilmis X. et Mme Leyze A. ont saisi le Conseil d’Etat pour annuler une décision du collège Jean Jaurès de Montfermeil, prise sur le fondement de certaines clauses du règlement intérieur de cet établissement, interdisant le port du “foulard islamique”.

Les responsables du collège avaient en effet fait le choix d’exclure les filles des requérants pour non-respect de cette interdiction.

La procédure

Après que leurs demandes aient été rejetées par le tribunal administratif de Paris, les requérants ont saisi le Conseil d’Etat pour faire annuler ce jugement.

Les demandes et les moyens de droit soulevés par les parties

Les requérants demandent l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris ainsi que de la décision procédant à l’exclusion de leurs enfants pour le port du “foulard islamique” au sein de l’établissement.

Pour cela, ils invoquent la violation de leurs droits constitutionnels et de leur liberté d’expression en se référant notamment à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à l’article 2 de la Constitution de 1958 et à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1989 sur l’éducation.

La question de droit posée au Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat est invité à déterminer si l’interdiction du port du “foulard islamique” dans un établissement scolaire public, ainsi que l’exclusion des élèves refusant de se conformer à cette interdiction, sont compatibles avec les principes constitutionnels de laïcité et de liberté d’expression.

La réponse apportée par le Conseil d’Etat

L’arrêt Kherouaa permet au Conseil d’Etat de préciser que le port de signes religieux par les élèves n’est pas en soi incompatible avec le principe de laïcité, tant qu’il ne perturbe pas l’ordre public et le bon fonctionnement de l’établissement.

Il considère également que l’interdiction générale et absolue instituée par le règlement intérieur du collège Jean Jaurès de Montfermeil était contraire à ces principes.

Par conséquent, les décisions d’exclusion prises sur le seul fondement de cette interdiction ont été jugées illégales.

C’est en effet ce qu’entend le Conseil d’Etat lorsqu’il précise :

qu’ainsi, sans qu’il soit établi ni même allégué que les conditions dans lesquelles était porté en l’espèce un foulard qualifié de signe d’appartenance religieuse aient été de nature à conférer au port de ce foulard par les intéressées le caractère d’un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, à porter atteinte à la dignité, à la liberté, à la santé ou à la sécurité des élèves, ou à perturber l’ordre dans l’établissement ou le déroulement des activités d’enseignement, les décisions d’exclusion contestées ont été prises sur le seul fondement des dispositions de l’article 13 du règlement intérieur qui sont, en raison de la généralité de leurs termes, illégales, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ;

que, par suite, lesdites décisions sont elles-mêmes entachées d’excès de pouvoir ;

Conseil d’Etat, 2 novembre 1992, 130394, Arrêt Kherouaa

L’apport de l’arrêt Kherouaa

La conciliation entre le principe de laïcité et la liberté religieuse

L’arrêt Kherouaa illustre la tension traditionnelle entre le principe de laïcité en France et le droit à la liberté religieuse.

Il apporte également une précision importante sur la question de la liberté religieuse dans le cadre spécifique de l’éducation publique en France.

Ainsi, le principe de laïcité n’est pas incompatible avec le droit des élèves à manifester leur appartenance religieuse, à condition que cela n’interfère pas avec le bon déroulement de l’éducation et le respect de l’ordre public.

L’évolution de la jurisprudence sur les mesures d’ordre intérieur

Comme cela est rappelé dans la fiche consacrée à l’acte administratif unilatéral, les mesures d’ordre intérieur sont des décisions administratives comme ne faisant pas grief, c’est-à-dire comme ne portant pas préjudice à leur destinataire.

Or, avant l’arrêt Kherouaa, le règlement intérieur d’un collège faisait partie de la catégorie des mesures d’ordre intérieur.

Il s’agit donc d’une évolution jurisprudentielle importante et actée dans cette décision : désormais, le règlement intérieur d’un établissement scolaire est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et donc d’être annulé par le juge administratif.

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