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Le service public

Même si sa place a pu être remise en cause, la notion de service public reste intimement liée au droit administratif moderne.
service public

Table des matières

La notion de service public est intimement liée au développement du droit administratif moderne.

En effet, dès l’arrêt Blanco, une partie de la doctrine a mis en avant cette notion pour expliquer la spécificité de cette branche du droit.

Si sa place a pu être remise en cause, le service public demeure essentiel pour comprendre le droit français.

La définition du service public

Selon le Professeur René Chapus, le service public est une activité d’intérêt général assurée ou assumée par une personne publique.

Historiquement, le service public est considéré comme la « la pierre angulaire du droit administratif » (Gaston Jèze) :

  • TC, 1873, Blanco : cette décision a longtemps été utilisée par l’école du service public fondée par Léon Duguit pour mettre en avant la notion de service public et insister sur son influence au sein du droit administratif,
  • Les trois grandes décisions faisant état de la notion au début du XXème siècle sont :
    • CE, 1903, Terrier
    • TC, 1908, Feutry
    • CE, 1910, Thérond

Pour définit le service public, le juriste doit d’abord rechercher si une qualification législative existe. 

A défaut, les jurisprudences CE, Sect, 1963, Narcy et CE, Sect, 2007, APREI ont posé trois critères de définition :

  • L’existence d’une activité d’intérêt général
  • La gestion par une personne publique ou le contrôle d’une personne publique sur la personne privée
  • L’existence de prérogatives de puissance publique. A défaut, le juge utilisera la technique du faisceau d’indices pour étudier les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement de la personne en charge du service.

Ces critères ont été enrichis par l’arrêt CE, 2007, Commune d’Aix-en-Provence : lorsqu’une personne privée exerce une activité prise à son initiative, elle peut être regardée comme bénéficiant de la part de la personne publique de la dévolution d’une mission de service public, y compris si elle n’a pas fait l’objet d’un contrat de délégation de service public, si la personne publique, en raison de l’intérêt général qui s’y attache exerce un droit de regard sur son organisation et le cas échéant lui accorde des financements.

Enfin, le juge administratif dispose d’une grande liberté d’appréciation dans la qualification de la notion de service public.

La distinction entre service public administratif (SPA) et service public industriel et commercial (SPIC)

Il s’agit de la seule distinction possible depuis l’arrêt TC, 1983, Gambini qui conclut en l’inexistence d’une troisième catégorie de services publics, à savoir ceux ayant la charge d’activités sociales.

La distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial a été élaborée avec la décision TC, 1921, Bac d’Eloka. Lors de la publication de cette décision, certains auteurs ont évoqué une “crise du service public” dans la mesure où le droit privé pouvait être appliqué à l’administration.

Cette distinction peut d’abord être précisée par une qualification législative.

A défaut, la jurisprudence a posé des critères dans l’arrêt CE, 1956, USIA : un service public est présumé être un SPA, sauf à trois conditions :

  • L’objet du service,
  • L’origine des ressources,
  • Les modalités de fonctionnement.

Ces conditions sont souvent considérés comme cumulatives, même si la jurisprudence n’est pas particulièrement précise sur ce point. 

En ce qui concerne les régimes juridiques applicables (actes, contrats, personnels…) ils varient selon l’activité (SPA ou SPIC) et selon la personne en charge (publique ou privée).

Les principes applicables à tous les services publics (lois Rolland)

Ces principes sont également connus sous le nom des “lois de Rolland”.

Le principe d’égalité

Ce principe a été reconnu comme principe général du droit dans la décision CE, Sect, 1951, Société des concerts du conservatoire (notamment pour l’égalité entre les usagers du service public).

Le Conseil constitutionnel l’a également réaffirmé à de nombreuses reprises.

L’article 1er de la Constitution vise l’égalité sans distinction d’origine, de race ou de religion, mais il peut y avoir d’autres déclinaisons. Par exemple, l’égalité du fait des opinions (CE, Ass, 1954, Barel).

CE, 1974, Denoyez et Chorques : admet des dérogations au principe d’égalité si :

  • la loi le justifie,
  • l’intérêt général le justifie,
  • il existe une différence de situation objective.

Ce dernier point pose en général le plus de problème, puisqu’il implique de trouver un critère valable démontrant la différence de situation objective. 

L’arrêt CE, Ass, 2002, Villemain a essayé d’éclaircir la situation : que ce soit pour l’intérêt général ou pour la différence de situation, la différence de traitement qui en résulte doit être en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit.

Pour ce qui concerne l’accès au service :

  • On ne peut pas interdire l’accès au service public communal constitué de cabinet dentaire au motif que les revenus d’un administré lui permettent d’accéder à des soins privés : CE, Sect, 1964, Ville de Nanterre,
  • Certains critères vont fonctionner comme le domicile pour certains services, mais par pour d’autres (comme les écoles de musique ou un service de ramassage scolaire). CE, 1994, Commune de Dreux: la commune peut en raison du principe d’égalité limiter l’accès au service en le réservant à des élèves ayant un lien particulier avec la commune, mais pas en raison du lieu de résidence. 

Le critère du lien particulier est mobilisé, car les communes voisines pourront ainsi profiter du service public de la ville centre. Mais il faut bien regarder l’objet du service

Pour ce qui concerne l’égalité devant les tarifs :

  • Le critère géographique est admis mais in concreto.

CE, 1974, Denoyez et Chorques : concernant le pont reliant l’île de Ré et le département de Charente-Maritime, le juge administratif va distinguer entre les usagers vivant sur le continent et ceux vivant sur l’île, mais il refuse de distinguer entre les continentaux et ceux du département.

Cette différenciation ne doit pas servir à déguiser des exclusions.

  • Le critère des ressources des usagers.

CE, 1985, Ville de Tarbes : le juge administratif refuse ce critère notamment pour le service public culturel et facultatif (école de musique).

Mais, il l’a admis pour les services sociaux, mais en se fondant non pas sur les différences de situation mais sur l’intérêt général.

Puis, il est revenu sur cette jurisprudence globalement en disant que les tarifs des services publics administratifs pouvaient varier en fonction des revenus des usagers, au nom de l’intérêt général (CE, 1997, Commune de Gennevilliers).

Cela est fait au nom de l’intérêt général, et non au nom de la différence objective de situation.

ATTENTION : le principe d’égalité implique :

  • Que les usagers se trouvant dans la même situation doivent être traités de façon identique, excepté les exceptions ci-dessus (loi, intérêt général et différence de situation mais du coup ce n’est pas vraiment une exception),
  • Que les personnes se trouvant dans des situations différentes puisse être traitées de la même façon.
  • La neutralité du service public (découlant de l’égalité).

A priori, la neutralité et laïcité ne concernent pas les usagers du service.

CE, avis, 1989, Foulard islamique : le Conseil d’Etat cherche à concilier ces principes avec la liberté religieuse.

Puis, ka loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles est adoptée.

Mais, le principe de neutralité concerne essentiellement les agents.

Le fait de manifester ses croyances religieuses en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion est un manquement aux obligations de l’agent (CE, 2017, Melle Marteaux).

CEDH, 2001, Dahlab contre Suisse : laisse une marge d’appréciation aux Etats membres dans la conciliation entre liberté religieuse et principe de neutralité et accepte qu’une enseignante se soit vue interdire de porter un foulard islamique dans une école.

CEDH, 2015, Ebrahimian c. FR : accepte le non-renouvellement d’un contrat de travail d’un agent public au motif qu’elle refusait d’enlever son voile islamique. Cette décision est conforme à l’article 9 de la Convention européenne des drois de l’Homme.

Le principe de continuité

Il s’agit d’un principe général du droit (CE, 1909, Winkell) et d’un principe à valeur constitutionnelle (CE, 1950, Dehaene et CC, 1974, Droit de grève à la radio et à la télévision).

D’autres règles découlent de ce principe (notamment en matière contractuelle).

Le principe de mutabilité (ou principe d’adaptation)

Signification ambiguë.

CE, 1961, Vannier : les usagers d’un service public administratif n’ont aucun droit au maintien de ce service.

La création et la suppression des services publics

La création et la suppression des services publics est soumise à plusieurs règles de fond.

Les règles concernant la création d’un service public

Le cadre juridique matériel de la création et la suppression du service public :

  • Respect de la liberté de commerce et d’indutrie.

CE, Ass, 1951, Daudignac et Fédération nationale des photographes filmeurs : interdit les réglementations visant à l’exercice d’une activité économique et interdit à l’autorité publique de concurrencer l’initiative privée, même si cette jurisprudence s’est assouplie.

CE, 1901, Casanova : la puissance publique doit respecter l’initiative économique privée mais accepte une intervention en cas de « circonstances exceptionnelles ».

CE, 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers : le juge administratif admet l’intervention économique publique si un intérêt public le justifie en raison des circonstances particulières de temps ou de lieu.

Cette règle s’est ensuite de plus en plus assouplie.

CE, Ass, 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris : admet l’intervention économique d’une personne publique s’il existe un  intérêt public, notamment, la carence de l’initiative privée.

Pas d’atteintes à la liberté de commerce et d’industrie si :

  • L’administration fournit ses propres services : CE, 1970, Unipain.
  • Si l’activité exercée est accessoire à une activité de service public : CE, 2011, Association pour la promotion de l’image.

CE, 2010, Département de la Corrèze : admet l’intervention publique alors même que l’initiative privée n’était pas absente.

  • Respect du principe de libre concurrence.

La libre concurrence a été progressivement intégrée au bloc de légalité depuis la décision CE, 1997, Million et Marais.

CE, Ass, 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris : accepte qu’une personne publique exerce une activité économique si :

  • Respect de la liberté de commerce et d’industrie,
  • Respect égale concurrence,
  • Compétence de la personne publique,
  • Justifier d’un intérêt public, notamment la carence d’initiative privée.

Une obligation de création ?

Ça peut arriver, notamment si conventions internationales ou loi le prévoit.

Les conditions de la suppression

Les collectivités territoriales ne le peuvent pas si c’est un service public obligatoire prévu par la loi.

Les motifs de suppression seront très variables.

A noter que la privatisation d’un service public national est possible à condition que le législateur lui fasse perdre cette qualité : CC, 1996, France télécom et CC, 2006, GDF.

La remise en cause du “service public à la française” ?

La notion de service public avait été remise en cause avec les décisions TC, 1921, Bac d’Eloka et CE, 1938, Caisse primaire Assurance et protection. Cependant, la renaissance du service public avait été opérée après la seconde guerre mondiale  dans la jurisprudence du Conseil d’Etat.

Dans les traités européens, les services publics sont présents à travers les règles de la concurrence. Ces règles sont applicables aux entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (SIEG) mais uniquement dans la mesure où cela ne contrarie pas l’accomplissement de leur mission.

A noter que les services d’intérêt général (SIG) existent également.

L’article 14 du TFUE consacre le SIEG dans les « valeurs communes » de l’Union.

A partir des décisions CJCE, 1993, Corbeau et CJCE, 1994, Commune d’Almelo la Cour de justice a clairement exprimé l’idée selon laquelle il était possible de déroger aux règles de la concurrence de manière à accomplir la mission du SIEG. Des compensations sont possibles entre activités rentables et non rentables pour assurer la couverture de telles missions sur l’ensemble du territoire.

L’arrêt CJCE, 2003, Altmarck considère même qu’une compensation financière par un Etat à une entreprise pour assurer une mission de SIEG ne constitue pas une aide d’Etat et n’est donc pas interdite.

L’extension de la notion de service public au sens européen du terme a pu rentrer en contradiction avec la notion traditionnelle française. Par exemple, en quelques années, les télécommunications, l’électricité, le gaz, la poste ont connu de profondes transformations (fin des monopoles, ouverture à la concurrence, obligations spécifiques, privatisation ou sociétisation…).

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