Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes revêt une valeur défendue par la France, au moins depuis la Révolution de 1789 pendant laquelle Saint-Just affirmait que “Le peuple français vote la liberté du monde“.
Toutefois, ce droit est également susceptible de s’appliquer à la France elle-même. Ce fut par exemple le cas à travers le processus de décolonisation.
Ainsi, la France doit-elle faire évoluer sa position sur la scène internationale concernant l’effectivité du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est aujourd’hui considéré comme l’un des droits les plus fondamentaux dans l’ordre juridique international
L’article 1, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies : évoque (de façon toutefois assez modeste) le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en en faisant l’un des buts de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Il s’agit également d’une coutume internationale bien établie et d’une norme de jus cogens
La Cour internationale de justice a même précisé dans sa décision CIJ, 1995, Timor oriental que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit erga omnes.
Dans sa décision CJUE, 2016, Accord de libre échange entre l’Union européenne et le Maroc, la Cour a annulé une décision du Conseil de l’Union qui approuve un accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Maroc en raison du fait que celui-ci pouvait s’appliquer aux territoires du Sahara occidental. En effet, elle a estimé cet accord comme contraire au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ainsi, ce principe est aussi appliqué par une juridiction européenne.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a alimenté le processus de décolonisation après la seconde guerre mondiale
Il y a deux dimensions à ce principe :
- Une dimension dite « interne » : chaque peuple peut déterminer en toute liberté son statut politique et poursuivre son développement économique, social et culturel (AG ONU, 1970, Résolution 2625 : cette résolution évoque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre des relations amicales entre Etats)
- Une dimension dite « externe » : chaque peuple a le droit de devenir indépendant, et donc de faire sécession (la Résolutions 1514 de 1960 pose le principe d’une obligation des puissances coloniales de donner aux peuples qui y aspirent leur indépendance. La Résolution 2625 s’inscrit dans cette continuité).
Cette seconde dimension a alimenté le processus de décolonisation à partir de la Seconde guerre mondiale.
Dans certaines situations, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes semble faire l’objet d’une application timide
La position de la diplomatie française vis-à-vis de ce principe est en réalité assez timorée.
Cela s’explique en raison des territoires d’Outre-Mer de la France, essentiels pour sa souveraineté maritime mais dont les populations pourraient revendiquer une forme d’indépendance politique (c’est le cas par exemple pour la Nouvelle-Calédonie).
Le phénomène d’affirmations des identités régionales (Catalogne, Ecosse, Crimée…) suscite également des interrogations quant au champ d’application de ce principe.
Cela soulève un ensemble de questions : les populations de ces régions sont-elles des peuples en tant que tel ? Le cas échéant, peuvent-elles bénéficier du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?
En l’état actuel du droit positif international, on considère que ces régions n’ont jamais été des colonies et donc ne sont pas titulaires d’un droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au sens des Résolutions 1514 et 2625.
La position de la France doit dès lors concilier l’effectivité du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sans remettre en cause l’intégrité de ses territoires d’Outre-Mer
La France doit continuer de défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sur la scène internationale, conformément à sa tradition.
Toutefois, cette position ne doit pas porter atteinte à son intégrité territoriale. Par exemple, le cas de la Nouvelle-Calédonie montre le respect des populations par l’organisation de référendums sur l’indépendance sans remise en cause de l’intégrité territoriale.